Mindy for Ever 3, Ainsi Soit-Il (The Feverish Weepers)

La nuit était fraiche, sur les docks d’Altdorf plongés dans l’obscurité de cette nuit sans lunes.
Les silhouettes se mouvaient sans peine sur le toit de l’entrepôt, avançant au gré des zones d’ombre les plus denses qu’ils trouvaient en chemin. La sentinelle skink avait été rapidement neutralisée, et ils n’eurent plus qu’à se faufiler jusqu’à la lucarne de l’étage supérieur du grand bâtiment.
Après un rapide coup d’œil à l’intérieur, ils firent coulisser la vitre crasseuse, et se glissèrent dans l’entrepôt.
Les deux goules sautèrent prestement, regardant alentour, humant l’air renfermé de la pièce.
-Maître ! L’odeur. L’odeur. Qu’est-ce donc qui…
-Silence, Tiga, intima le nouveau venu. Ce lieu est infesté de lézards, que veux tu que ça sente?
Tiga pencha sa lourde tête de côté. –Ce n’est pas ça, c’est autre chose.
Bousculant la créature, le revenant s’engouffra dans la pièce, à la recherche de son vieil ami.
-Aucune importance. Venez, ils doivent être là-bas.
Les quartiers de Bylansi se trouvaient effectivement dans le fond de l’immense étage, et les intrus eurent tôt fait d’en trouver l’entrée. Au moment d’enfoncer la porte, Steiner eut un flashback, et les souvenirs qui l’assaillirent alors ébranlèrent ses certitudes.
Sa main gantée effleurait toujours la poignée, lorsque la porte s’ouvrit d’un coup sec.
-Alors, qui… Les paroles de Rag Bylansi s’évanouirent tandis qu’il faisait face au revenant.
Le coach fronça les sourcils, plus surpris qu’effrayé, et recula finalement de quelques pas, brandissant le pistolet qu’il cachait dans son dos.
Steiner entra lentement, d’un pas pesant. Les deux goules vinrent l’encadrer, reniflant l’air renfermé de la chambre, tout en gardant un œil sur l’humain.
-Coach ! N’êtes vous donc pas heureux de me revoir? Bien qu’il fût incapable de sourire, Steiner jouissait de cet instant tant attendu.
Bylansi le mit en garde instinctivement lorsque le revenant s’adressa à lui. Puis, sans même s’en rendre compte, il finit par baisser le lourd pistolet.
Il dévisagea alors l’inconnu de longues secondes, avant que ses yeux ne s’écarquillent de surprise.
-Reinhard? Par Shallya, comment est-ce possible ?
-Possible ? Intéressante question, coach. Car je me pose exactement la même depuis que mes yeux se sont fermés sur votre départ précipité…Vous vous souvenez, tandis que les charognes me dévoraient ? Vous en souvenez vous, seulement ?
Rag Bylansi soupira, et glissa alors son arme dans sa ceinture. Il en était donc à ce point, si bouleversé par la mort de ses proches que ceux-ci venait le débusquer jusqu’ici pour le tourmenter.
-Oui Reinhard ! Pas un jour ne s’écoule sans que vos hurlements ne viennent me hanter. Je n’avais pas besoin de ta visite pour me remémorer ce qui gangrène mon âme.
-Hanter, coach. Un bien joli mot, pour qui sait l’apprécier. Et je crois être à même de l’appréhender.
Les deux goules avaient entamé leur encerclement discrètement, tandis qu’ils parlaient.
Tiga s’était repliée sur elle-même, les muscles bandés, prête à bondir, lorsque son attention fut attirée par cette même odeur qui l’avait assailli en entrant dans les lieux.
-Maî… Mindy surgit de l’ombre tel un démon, et se jeta avidement sur la goule paralysée par la surprise. Elle lui arracha la gorge dans une telle frénésie que la tête de Tiga partit en arrière.
La goule s’effondra au sol, et Melinda vint s’interposer entre Steiner et Bylansi, les yeux emplis de haine et de fureur.
Reinhard Steiner n’esquissa pas le moindre mouvement, intimant l’ordre à Cave, la deuxième goule, de ne pas bouger. Il regardait ce couple qu’il avait tant admiré jadis se tenir devant lui.
Doucement, il recula d’un pas.
- Dame Melinda, prononça t’il doucement. Pas vous, pas ça.
Bylansi avait entretemps agrippé sa bien aimée, l’attirant à lui pour la soustraire à toute riposte. Couverte de sang, Melinda grimaçait et se débattait pour s’attaquer aux intrus.
Steiner intima l’ordre à Cave de sortir sur le champ, apaisant par là même la créature qui lui faisait face sans le craindre. La goule sortit sans rechigner, et tous trois se retrouvèrent seuls face à leur passé commun.
Un long moment s’écoula.
Le revenant regardait autour de lui, comme hagard. La haine qui l’avait animé ne lui était désormais plus d’aucune utilité. A quoi bon ? Croisant alors son reflet dans un miroir piqué de rouille, l’ancien blitzer s’en détourna aussitôt, pour engouffrer son visage dans ses mains gantées. Il resta ainsi quelques minutes, semblant sangloter.
Son regard se posa à nouveau sur Rag et sa compagne. La lueur dans ses orbites s’était légèrement estompée, tout comme sa voix sépulcrale leur parut plus douce.
-J’ignorais que vous étiez mort en même temps que nous, coach, murmura t’il.
Bylansi leva des yeux mélancoliques sur son vieil ami, tournant son regard vers Mindy, dont il caressa doucement le visage. Celle-ci s’était blottie contre lui et défiait le revenant du regard.
-je ne te demande pas de comprendre, Reinhard. Je ne le demande pas plus aux vivants qu’aux morts, d’ailleurs. Puis il ajouta : -Sans doute la folie me guette t’elle ou alors comment expliquer l’instant présent et cette discussion entre nous ?
Il finit par esquisser un sourire, et se décala légèrement pour attraper le verre à moitié plein qui trônait sur leur vieux guéridon, sous le miroir qu’il évita lui aussi de croiser, comme d’habitude. Il avala l’alcool fort d’un trait avant de se tourner à nouveau vers son ancien joueur.
-Je ne peux même pas t’offrir un verre, à toi, mon vieil ami, ironisa t’il pour lui-même.
Tu es venu pour assouvir ta vengeance ? Et par Shallya, comment m’as-tu retrouvé, au fait?
-J’ai peur que la réponse ne vous plaise pas beaucoup, coach.
-Essaie toujours, Reinhard.
Et c’est ce que fit le revenant.
Bylansi écouta, chancela, et finit par s’écrouler sur son fauteuil décati, soutenu par une Melinda affolée par sa réaction.
Lui qui pensait déjà être aux frontières de la démence se voyait désormais s’y enfoncer un peu plus à chaque mot prononcé par Reinhard Steiner. La simple idée de retrouver ses joueurs, de les entrainer, de leur parler à nouveau le terrorisait.
- Je pensais que le nom de l’équipe vous intriguerait plus que cela, coach. C’est moi qui l’ai imposé à Movitch, finit par dire Steiner.
Les bras ballants, Bylansi leva les yeux vers lui, esquissant un sourire las.
-C’est parce que je pleure nos vies perdues que je n’y ai vu qu’un signe prémonitoire. Et en fin de compte, j’avais raison, soupira t’il. Et que va-t-il se passer, maintenant ?
Le revenant s’approcha prudemment, évitant tout geste brusque, et posa sa main sur l’épaule de Rag Bylansi : -Vous allez faire de nous une équipe que personne n’oubliera, coach.
Ignorant les grognements de Melinda, le revenant s’accroupit alors, mettant son visage à la hauteur de celui de son interlocuteur.
-Coach, le ferez vous en souvenir de nous, chuchota t’il à sa seule intention.
Bylansi acquiesça, serrant son aimée le plus fort qu’il pouvait contre lui.
-Soit, Reinhard. Ainsi soit-il ! Que prennent vie ceux qui pleureront pour l’éternité.
Steiner se releva péniblement, et alla jusqu’à la porte. S’engouffrant dehors, il se tourna vers eux, les observant une dernière fois.
-Ainsi soit-il, Rag Bylansi. Et il disparut dans la pénombre.